mercredi 21 avril 2010

To be continued...

La saga quotidienne de Burkina Fashion revient en novembre.

jeudi 1 avril 2010

A l'heure africaine


«J’arrive tout de suite», phrase ô combien rassurante dans son acception occidentale, devient inquiétante en Afrique, car elle nous plonge dans l’inconnu : combien de temps vaut ce « tout de suite » ? « Ca vaut un certain temps », vous répondrait un Burkinabè. Mais puisque je suis une go curieuse des pratiques africaines, j’ai tenté de tirer des conclusions de mes observations.
«Tout de suite» signifie qu’au minimum, vous avez le temps de vous envoyer une Brakina (cette bière n’est servie qu’en bouteilles de 65 cl, ce qui triple déjà la notion européenne de « s’envoyer une bière. » Mais si vous n’étiez pas au courant, c’est que vous êtes un lecteur tout frais sur mon blog, parce que Brakina, là, apparaît dans toutes mes chroniques.)
Au pire, cette supposée instantanéité de la venue de votre ami vous laisse le loisir de faire griller un poulet, déplumage et découpage compris. En clair : une plombe. Les Africains qui ont un sens du proverbe très développé disent : «Les Blancs ont tous une montre, mais ils n’ont jamais le temps.» C’est le genre de gifle salutaire qu’on reçoit ici, et je dois avouer que cette notion de temps diluée comme dolo dans calebasse, là, ça me perturbe encore (le «dolo» est la bière de mil, artisanale, et qui d’après de récentes études, attire les moustiques allophènes, ceux porteurs de la malaria. De toute façon, le Blanc ne boit pas de dolo, fabriqué avec eau du puits, là même. Sinon, il contribue à la déforestation par rouleaux de papier toilette interposés.)
Je constate avec inquiétude que j’en reviens toujours à la bière et aux considérations sur le petit coin, alors je reprends le fil de mes observations sur le temps.
Mon ami B. m’a gratifiée d’un exemple édifiant. Chauffeur pour un bureau d’agronomes à Ouaga, quand il ne balade pas les ingénieurs en mission, il est chargé de faire des courses avec le gros 4x4 climatisé où je risque le choc thermique à chaque ouverture de la portière.
Alors que je l’accompagne pour aller à la Sonapost (la poste, avec des files tout pareil que chez nous, ou quand l’administration touche à l’universel…), il décroche son téléphone : «Allô ? Oui, je suis en train d’acheter les brochettes.» Walaï ! Ici la poste vend brochettes ! Erreur. A l’heure où mon ami B. devait se rendre à la Sonapost, il est passé me chercher à l’autre bout de la ville. Résultat : à l’heure où il se trouve à la poste, il prétend à son patron qu’il est entrain d’acheter les brochettes du déjeuner. Vous aurez soulevé que la notion d’ «en train de» est tout aussi relative que celle de «tout de suite.»
Fatalement, après, ça se complique : alors que B. est «en train d’acheter des brochettes», il prétend être au magasin de pièces détachées pour la courroie défectueuse de la voiture. Arrivé aux pièces détachées, il dit à ses patrons qui s’impatientent : «Mais oui, j’arrive tout de suite, là je suis en train d’acheter pain pour brochettes, ô !», et ainsi de suite. Là où ça cale, c’est que la boulangerie est juste en bas du bureau des agronomes, et que B. va devoir expliquer comment il a mis 20 minutes pour acheter des baguettes à 50 mètres, parce que ses patrons agronomes sont Blancs, qu’ils ont une montre, et qu’ils n’ont pas le temps.

N.B.: Sonapost signifie «SOciété NAtionale des POSTes», et se décline à l’infini : Sonabel, «SOciété NAtionale d’ELectricité du Burkina» ; Sonatur, «SOciété NAtionale d’Aménagement des Terrains URbains», ou SOciété Nationale de LAminage de PrOduits à Réaction Thermique, la Sonalaport (encore à l’état d’ébauche.)