dimanche 5 décembre 2010

Glace va sortir (mais alors avec paille)


Avec une moto, un porte-monnaie et une connaissance approfondie de la ville, le Blanc peut retrouver ponctuellement quelques éléments de confort (considérés à Ouaga comme des éléments de luxe… bien que je me contenterai de vous parler de crème glacée, et pas des robinets en or dans le palais de Blaise Compaoré.)
Mon ami A. nous prête sa moto pour quelques courses dans le centre, et me demande un service : « Tu peux ramener glace ? Un litre, un litre : vanille, pistache, chocolat et citron. » (« Un litre, un litre », ça veut dire « un litre de chaque », comme « deux cents, deux cents » quand vous êtes deux à monter dans un taxi ou « mille, mille » si vous achetez deux mille unités téléphoniques.)
Bref, pour ramener glace, là, il faut impérativement être maître au volant. Surtout ne pas prendre le taxi, qui va s’arrêter vingt fois pour embarquer débarquer des clients, déposer des colis, tomber en panne, perdre une roue, renverser un cycliste, tuer un piéton, etc.
Dans la boulangerie la plus fameuse de Ouaga, la patronne libanaise est comme chaque jour coincée dans sa chaise haute, à compter les billets. A chaque fois que je reviens au Burkina, j’ai l’impression qu’elle a grossi et qu’elle ne peut plus se désencastrer de sa chaise.
Ils sont deux employés africains (les Libanais ne s’occupent que des billets ;-) à me servir, mais ça va durer aussi longtemps que s’ils étaient un demi-employé en pleine crise de palu. Ils se parlent : «Glace-là est dure dêh ! » « Ah ouais, c’est pas facile… » « Faut mettre plus là, sinon ça fait pas un litre, un litre : faut tasser. » « Eh ! Tu n’es pas concerné non ? Occupe-toi de la vanille moi je mets chocolat, là » « Y’a pas spatule, je fais comment pour vanille ô ? Termine chocolat et puis je tasse vanille, là »…
Pendant ce temps, citron tassé dans tupperware est déjà en train de ramollir, et pistache « ça va sortir », ce qui équivaut à un « tout de suite africain », ce qui signifie que je ne suis pas dans la m*** avec le citron qui a eu le malheur de sortir en premier.
Après, faut payer. C’est-à-dire qu’il faut d’abord attendre que la patronne lève le nez de sa liasse de billets qu’elle n’en finit plus de compter, parce que francs CFA, là, c’est petite monnaie : 1 euro, c’est 655 francs. Autant dire qu’avec l’équivalent de 10 euros en billets CFA tu as de quoi fabriquer des talonnettes pour Nicolas Sarkozy, un presse-livres ou monter sur la liasse de billets pour attraper le pot de confiture au-dessus de l’armoire.
Glace est payée, mais les deux employés cherchent sac plastique parce que « faut mettre », « mais sac est petit ô, faut amener grand sac »… Et là, l’imprévu à l’africaine, mon ami A. : « Allô Charline ? Oignons est fini ici, tu peux ramener ça aussi ? » « Ca » et mon amie E. qui a voulu s’arrêter chez le glacier concurrent pour acheter demi-litre de glace coco, c’était la cata. Je suis montée sur la moto avec dans les mains 4,5 litres de glace déjà ramollie par le rythme africain, et menacée par les 45° qu’il fait en plein soleil sur le goudron. Citron et pistache qui étaient « dures dêh ! » ont survécu. Mais je suis arrivée chez mon ami A. avec une cuisse à la vanille, et l’autre au chocolat.

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