lundi 20 décembre 2010

CD avec sticker, là, ça vaut plus cher


« On s’attrape ! » C’est le rendez-vous africain : on ne se fixe ni jour ni heure – montre et calendrier, là, c’est affaire de Blancs – mais on se croise (au marché, dans un taxi) ou on provoque le croisement en s’appelant au téléphone, si « ça passe », parce que réseaux au Burkina, souvent, « ça passe pas ô. »
Bref, pendant un mois, mon ami J.-V. et moi, on a essayé de s’attraper sans y arriver. Je me tue à lui dire que si on avait pris un rendez-vous de Blanc, là, avec montre et calendrier, on y serait arrivés, mais autant essayer de convaincre Barack Obama de l’utilité d’un sèche-cheveux.

J.-V. est un reggaeman bien connu au Burkina, d’autant qu’il est le filleul de Tiken Jah Fakoly. Et puisque je viens de le sortir de l’anonymat, autant vous dire son nom : Jah Verity (« la vérité de dieu. ») Je l’ai rencontré dans un taxi, et vu qu’au Burkina il faut moins de 15 minutes pour sympathiser, on s’appelle de temps en temps pour essayer de «s’attraper» pour «causer et échanger.»
Assise dans un maquis, un gars stylé m’aborde avec une pile de CD pas piratés, ce qui est assez rare pour attirer mon attention. «T’as quoi ?», je lui demande. Et là, je vois le dernier album de Jah Verity, Le président boulanger (c’est Laurent Gbagbo, ex-président mais président auto-proclamé tout de même de Côte d’Ivoire, qui n’a jamais aussi bien porté son surnom de «celui qui roule tout le monde dans la farine».)
«C’est combien mon frère ?» Là, le gars sapé avec tissu qui brille me dit : "C'est dix mille" (15 euros.) J’étrangle avec ma gorgée de Brakina : «Mais c’est quel modèle de prix pour être aussi cher, là même? J’ai une tête à acheter CD au prix de la FNAC des Champs-Elysées oubien?»
Il m’embrouille : « Eh ! Mais y’a label certifié de la BBDA* que c’est un original. » Moi : «Et quoi ? Petit sticker qui brille, là, vaut 5.000 francs? C'est or massif oubien ?»
La discussion n’avançant pas, je dégaine le dernier argument : «OK, j’appelle Verity, là même, c’est un ami.» Le gars sapé comme une guirlande de Noël pense que je bluffe. Jah décroche « Charline ! Mais tu es au Burkina ? Faut qu’on s’attrape ô ! CD original, là, vaut 15.000. » Ca c’est un artiste qui sait se vendre… Dans un geste désespéré, je passe mon téléphone à la guirlande de Noël : «Tu vas pouvoir dire bonjour à Jah Verity, ça mérite bon pour prix pour moi, non ?»
Trop content, mon vendeur de CD m’a vendu Le président boulanger avec sticker qui brille pour 6.000 francs. Il va pouvoir s’acheter une casquette qui clignotte.

N.B.: BBDA "Bureau burkinabè du droit d'auteur" qui, est-ce utile de le préciser, est légèrement dépassé par la situation...
(A suivre : parce que pas pouvoir s'attraper, là, ça dure)

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