lundi 22 février 2010

Bière "tapée" et femme fraîche


Méfiez-vous du Burkinabé qui propose d'aller boire « une » bière, surtout le week-end. Sous 42° à l'ombre, aller boire une Brakina bien tapée (marque de bière, « bien fraîche ») relève de l'instinct de survie. A Ouagadougou, le quartier de Paspanga, c'est un peu Yopougon à Abidjan (Côte d'Ivoire), pour ceux qui connaissent la fameuse BD « Aya de Yopougon. » Populaire, tranquille, authentique. Mon ami B. a fait du maquis appelé « L'ambassade » son quartier général. Pour contourner les impératifs légaux, ce bar n'a pas d'enseigne. Mais il est tenu par des Ivoiriennes, alors, les Burkinabés l'appellent « L'ambassade. »
Au départ, on est deux, à boire cette Brakina bien tapée qui n'existe qu'en bouteille d'un demi litre (l'instinct de survie prend d'autres dimensions en Afrique.) Puis, le garagiste du quartier arrive avec un gendarme du coin. Eux, ils attaquent l'après-midi à la Guiness « avec des glaçons, parce que la Guiness c'est lourd et fort, alors les glaçons, ça la dilue, ça garde la bière bien fraîche et tout le goût.»

Nous sommes perplexes sur la question de la dilution, mais nous ne tenterons pas l'expérience, étant donné qu'un proverbe de mon invention dit : « Si le Blanc met un glaçon dans son verre, il peut emmener l'intégrale de la Pléiade aux toilettes » (rapport à la qualité de l'eau.)
Bref, arrive un membre de la sécurité du Président du Burkina, deux autres gars qui ont vu qu'il y avait de l'ambiance à l'ambassade, et une Blanche qui enquille les Brakina (mais qui en tant que Belge a une certaine pratique, voire une pratique certaine). Chacun offre une tournée et les bouteilles arrivent comme par le fait du saint esprit sur le casier de bière retourné qui fait office de table.
La Guiness délie les langues, et le militaire chargé de la sécurité du chef de l'Etat raconte à ses amis : « Ma femme m'a suivi l'autre jour, elle a vu que je rentrais en boîte avec une fille... oulalalala et comme ma femme est enceinte... » Mon ami B. m'aidera un peu plus tard à compléter les points de suspension : « T. est marié, mais il s'est trouvé une pétasse au Matata, un maquis (un bar) où se rassemblent les prostituées. Sa femme a des soupçons depuis pas mal de temps, mais là, puisqu'elle est enceinte, elle a osé le suivre pour en avoir le coeur net, parce que comme elle est engrossée, s'il s'aperçoit qu'elle le suit, il ne pourra pas la taper en rentrant. Donc il est pris au piège. » Charmant. Notez que contrairement à la bière, la femme « tapée » ne signifie pas « bien fraîche. » En revanche, j'ai lu dans un journal satirique ce matin qu'une bière peut être préférable à une femme parce que « même froide, elle est agréable. » Ca c'est grave, dêh !
Ainsi, mon ami B. me sert de décodeur. C, un Ivoirien qui vient de payer la dernière tournée, me raconte qu'il va quatre fois par an en Belgique pour y acheter des voitures et les ramener au Burkina. Il est super bien sapé (« bien habillé »), il paye des coups à tout le monde, et il a une des plus grosses voitures de Ouaga, pour un type qui n'est pas haut fonctionnaire.
Décodage de mon ami B : « C. est un type extra. En fait, son activité est une façade, avec son commerce, il soutient les rebelles ivoiriens. » Vu que ça chauffe en Côte d'Ivoire en ce moment et que ça va pas tarder à péter, j'ai noté le numéro de C. dans mes tablettes, quand on est journaliste, ça peut toujours servir. Comme quoi, l'info se cache souvent dans le maquis.

1 commentaire:

  1. Sacrilège ! Des glaçons dans la bière ! J'en connais qui ne seraient pas contents !
    Finalement, tu es partie faire tes courses et boire des chopes au Burkina ? ;)

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