dimanche 21 février 2010

Le supermarché, c'est la classe internationale


Le supermarché, c'est comme l'opéra : il faut y être vu. On vient pour se montrer, impressionner ses copains, en clair : le Carrefour du coin, c'est « the place to be. » De passage à Ouaga pour deux ou trois jours, le Nasara (« le Blanc ») préférera le marché, ses montagnes faussement bancales de légumes, et causer avec les femmes qui vendent la tomate et l'igname.
Mais la Blanche qui vient de s'installer pour un mois a décidé de faire rapide et efficace pour son nécessaire de survie, en allant dans le seul supermarché de la capitale, bien sûr tenu par des Libanais. Je m'y suis rendue le premier jour avec mon ami B., un gars stylé qui ne met jamais les pieds au supermarché mais qui a le look pour faire comme s'il y allait tous les jours.
Alors que j'étais entrain de m'extasier devant le rayon des vins (j'ignorais qu'il était si facile de trouver une bouteille de pinard à briser en cas d'urgence), B. tombe sur un de ses vieux amis perdu de vue depuis un an. Un beau gosse, lunettes sur la tête, jolie chemise à motif d'éléphants sur un pantalon de costume, et le port nonchalant du cabas (style : moi le supermarché, je pratique à fond, walaï !)

Et là, mon ami B. a l'air de se demander ce qu'est devenu le beau gosse, pour en arriver à fréquenter le supermarché : d'une manière assez diplomatique, il lui demande ce qu'il fout là. Notez que chez nous, on rencontre principalement les gens de notre quartier au supermarché, et surtout, on ne leur demande pas ce qu'ils foutent là ! C'est plutôt si on ne les y voit plus qu'on s'inquiète !
Et là, le gars stylé répond d'un air un peu gêné : « J'ai emmené ma nouvelle chérie... » La chérie qui examine le rayon des shampoings avec le même air travaillé de « J'ai trop l'habitude de venir au supermarché, walaï ! »
Chez le Burkinabé lambda, pour séduire une fille, on lui offre un poulet dans un maquis (un bar resto), une pratique que je ne manquerai pas de vous raconter dans une prochaine chronique, parce qu'elle croustille autant que la peau de la volaille grillée. « Ca c'est pas petite affaire dêh ! » (expression locale.)
Mais chez les jeunes Ouagalais branchés qui veulent impressionner leur nouvelle copine, il faut donc aller au supermarché. Je pense que je ne verrai plus jamais le Cora de La Louvière d'un même oeil. Quoique dans ma ville, « les courses à Cora », c'est LA sortie du samedi pour laquelle mes concitoyens se parent de leur plus beau training.
Revenons à Ouaga. Ainsi, après quelques années de vie commune, la femme du rayon shampoing dira à son mari : « Chéri, tu m'aimes encore ? Parce que ça fait des années que tu ne m'emmènes plus au supermarché... »

4 commentaires:

  1. Wouah, "correspondante parfois à Ouaga"... Encore plus fier de toi! ;)

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  2. "Pour impressionner une nouvelle copine on l'emmène au supermarché", "pour séduire une fille, on lui offre un poulet dans un maquis"... quelque chose a annoncé?

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  3. Bonjour Lady Ouaga !

    C'est super bien parti. Je sens que je vais me régaler durant tout ce mois. Mes amitiés à Baba et à tous les scrabbleurs burkinabés.
    YD

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  4. Oh, oh ! Bien agréable à lire tout ceci ! Plein d'humour... à savourer sans modération !

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