samedi 27 mars 2010

Docteur Ouédraogo, il bombarde !


Docteur Ouédraogo, médecin à Ouaga, il m’a tellement amusée qu’en sortant de son cabinet, c’est comme si j’avais avalé tube de vitamines, là même. Pourtant, il m’a expliqué que j’avais invité une bactérie à visiter mon organisme, du genre de celles qui vous laissent le loisir de lire l’intégrale de Proust au petit coin.
Quand un type est marrant et aime parler — comme la majorité des Burkinabè —, j’ai tendance à entretenir la causerie, et il finit toujours par me dire : «Tu poses beaucoup de questions, dêh ! T’es journaliste ou bien ?» Tant qu’on ne me dit pas «T’es de la police»… Les «hommes intègres» (signification de «Burkina», «faso» signifiant «pays») adorent les questions, car ça relance la conversation, un loisir qu’ils adorent : «causer», «échanger», «plaisanter.»
Arrivée au cabinet du docteur Ouédraogo sur la moto de mon ami A. (qui vérifiait à chaque carrefour si je n’avais pas chu de son âne à moteur), le doc nous attendait à l’entrée, dans sa blouse blanche, clope à la main : «Moto rouge, là, c’est pompiers pour une urgence ou bien ?» Je l’aimais déjà, ce docteur Ouédraogo.

jeudi 25 mars 2010

C'est beau, dêh, on dirait Rihanna !


Le gars africain a tendance à oublier qu’il ne serait rien sans les femmes, sans ses sœurs. J’ai beaucoup de tendresse et d’amitié pour mon ami C., un joyeux fêtard plutôt futé, qui gagne pas mal sa vie, mais qui traite ses copines comme bouteille de J&B en discothèque, là même. Il met son nom dessus et demande au barman de la remettre au frais en attendant qu’il se serve un prochain verre. Des fois, il l’oublie dans le frigo de la disco. Au mieux, il reprend la bouteille mais l’oublie dans le coffre de sa voiture…
L’autre jour, nous étions réunis autour de bières bien fraîches à « l’ambassade », le maquis tenu par E., une Ivoirienne stylée et ses copines. C. demande à mon ami B., qui avait emprunté la mobylette de sa cousine, s’il peut aller chercher « un colis » pour lui à la gare. Walaï! J’ai avalé ma gorgée de Brakina de travers quand j’ai vu que colis, là, c’est une go (« une fille ») ! Elle venait de Bobo-Dioulasso, à 5 heures de car de Ouaga, pour le week-end. Pour voir mon ami C., qui était en train de faire des plans pour sortir tout le week-end dans diverses boîtes de nuit de la capitale (le Burkinabè aime changer d’endroit pendant la soirée.) Ravie, la go, de voir que son gars a prévu de lui accorder toute son attention après un si long voyage pour si peu de temps…

lundi 22 mars 2010

Poulet, là, c'est affaire sérieuse


Une chance que j'aime le riz : riz sauce, riz gras, riz blanc pour les jours de dérèglement de « mon petit ventre, tout ce que je mange, c'est pour toi », comme dit la chanson qu'on apprend ici à l'école. Une soeur qui vit au Malawi depuis plus de 20 ans m'a dit un jour : « Si tu ne manges pas en Afrique, c'est l'Afrique qui te mange. » Je pense souvent à cette phrase, surtout quand je vois des enfants qui vont à l'école le ventre vide, et se tordent de douleur devant leur cahier, dont les pages, forcément, restent blanches.
Mais bref, mes chroniques se veulent légères comme plat de poisson grillé, là même, et je propose de causer cuisine. « Y'a quoi ? » est la phrase qui permet au serveur de dérouler le menu. Dans la majorité des maquis, on vous répond : « Poulet, riz sauce, riz gras. » Avec un peu de chance, il y a plusieurs sauces : tomates, aubergines ou arachides. Souvent, menu varie, et « y'a alocos », des rondelles de banane plantin frites. Quand c'est grand luxe, « y'a petits pois, soupe de poulet », ou même couscous ô. Mais là, il faut être averti : « couscous » signifie un bol de semoule avec une cuillère à café de sauce et trois morceaux de légumes pour la déco.

jeudi 18 mars 2010

Les masques du village


J'ai eu l'impression de voir un documentaire sur l'Afrique, alors que j'y étais : une cérémonie de funérailles animistes, et qui plus est, du chef coutumier d'un village. Masques, danses, tam-tams : presque intimidant. Mais pour mériter ce privilège, en tant qu'étranger au village, Blanc de surcroît, il a fallu suivre un parcours. Et jeu de l'oie, là, c'est petite affaire à côté.
D'abord, 80 km sur la route du nord, vers le Mali, dans la voiture de Tantie J., dont le nombre de points communs avec le four de ma cuisine a de quoi surprendre. Surtout lorsque vous êtes assis côté soleil, à midi pile. J'ai cuit comme poulet braisé ô, avec pour question récurrente : « Pas trop chaud ? » Euh, non, non, je surveille la cuisson...

vendredi 12 mars 2010

En français du Burkina dans le texte


Français du Burkina, là, c'est doux comme mangue bien mûre. Au bout de trois semaines, je continue à m'adresser aux Blancs en français châtié, mais avec les Burkinabè, j'adore parler « leur » français, et donc l'écrire dans mes petites chroniques, qui seraient « sans goût », sans cette particularité linguistique.
Mais un lecteur m'a écrit pour me dire qu'il trouvait « condescendante » la manière dont je faisais parler les Ouagalais dans mes chroniques. Walaï ! C'est pourtant de ma part une déclaration d'amour au français du Burkina, que je trouve savoureux. Nous, les Belges, nous avons aussi nos particularités, que les Français relèvent souvent, et là, de manière condescendante. Si je devais écrire des chroniques sur la ville dont je suis originaire, j'utiliserais le même procédé : « Walaï ! » deviendrait « Nondidju ! », et « dêh » ou « ô » au bout des phrases deviendrait « Tu vois, quoi », que j'entends à tout bout de champ. Et je vous passe la radio qui devient « radjo », et qui ne vaut pas mieux que « bassine » pour dire « machine. »

jeudi 11 mars 2010

Chez Pierre les-bons-prix


« Pour toi je vais faire un bon prix. » S'il existait une méthode Assimil du vendeur d'artisanat africain, cette phrase serait la première, comme le fameux « My taylor is rich. » Mais après quelques années de pratique, on ne me la fait plus. Par « Un bon prix », entendez un prix horriblement cher, qui dépasse l'imagination. Là, vous hurlez, et le vendeur vous répond : « Eh, faut pas hurler là, on discute ! » Voilà comment on peut passer des heures sur un baobab en bronze de 10 centimètres.
L'autre jour, mes amis M., N. et K. font leurs dernières emplettes cadeaux souvenirs avant de rentrer en France. Je les accompagne, parce que j'adore l'artisanat africain, et puis j'adooooore marchander. Ca m'amuse beaucoup, au grand désespoir des vendeurs qui m'ont repérée et se disent désormais « oh non, pas elle ! »

mardi 9 mars 2010

Une journée en pagne


Quand vous êtes Blanc, et en particulier si vous êtes une fille, blonde de surcroît, toute la rue se retourne sur vous, vous salue ou vous interpelle. Mais j'ai trouvé encore moins discret : une Blanche habillée en pagne du 8 mars (journée de la femme). Walaï ! Je me suis fait appeler « eh, 8 mars, là ! » toute la journée, alors que toutes les femmes de Ouagadougou portaient le même « uniforme de fête » que le mien. Quelques-uns m'ont souhaité « bonne fête » en me croisant.
J'avais donc fait faire chez le tailleur une tunique à bretelles, à porter sur un pantalon, parce qu'il faut avouer que le port du pagne intégral sied mal à la peau claire. Ici, le tailleur vous sort un cahier d'écolier, et vous demande de dessiner le modèle, s'il ne figure pas sur son catalogue. Je ne sais toujours pas par quel miracle mon gribouillis au bic sur une page double ligne est devenu exactement le modèle que j'avais imaginé.

samedi 6 mars 2010

Combien pour "ambiancer " les reportages ?


Les gens de mon quartier me prennent pour une folle. L'autre jour, un gars qui m'observait du coin de l'oeil en peignant des chaises m'a dit : « Toi, tu es trrrès spéciale » (en roulant les R.) J'ai failli lui répondre : « Et toi ô, pour peindre chaises, là, ombre c'est pas mieux ? Soleil tape sur ta tête, dêh ! » Il est vrai que mon métier me pousse à faire des choses qui peuvent paraître bizarres aux gens du quartier de Ouidi, où je loge, et que je mets à contribution pour mes reportages.
L'autre jour, il me manquait une illustration sonore pour mon sujet radio sur le pagne du 8 mars. Ma chambre se situe au-dessus de « Drabo couture », qui confectionne des costumes. Je demande au tailleur : « Je peux enregistrer bruit de ta machine à coudre, là ? » Il m'a regardée comme si je venais de lui dire qu'il y a un éléphant dans ma douche. Il a dû penser : « Chaleur, c'est pas bon pour les Blancs, dêh ! »

jeudi 4 mars 2010

Panne de courant au "premier bureau"


« Courant est parti ? » J'apprends à parler le français du Burkina, et je dois dire que cette phrase-là, je maîtrise. Autant que « Courant est revenu ? » Chaque jour, pendant un long moment, « Dieu oublie de suivre les activités » des électriciens de Ouagadougou. Délestages, surtensions, ou « quelqu'un a dû s'appuyer là où il ne fallait pas. » Et bizarrement, ça arrive à chaque fois que je m'apprête à appuyer sur la touche « Enter » de mon clavier d'ordinateur : quand je viens de rédiger un mail très long ou très urgent. Ou quand je dois « absolument envoyer l'article avant 12 heures. » C'est « le » gros détail que j'avais oublié de calculer en voulant travailler un mois au Burkina, « affaires de courant, ô, c'est pas facile. » Je pourrai bientôt rédiger une série « courant est parti quand je prenais ma douche », ou « courant est parti quand j'étais dans l'escalier avec un verre plein en main. »

La piscine, c'est froid, dêh !


La chaleur est arrivée plus tôt que prévu au Burkina, et même en cette saison sèche, où tout ce qui était vert est devenu jaune, les moustiques sont au taquet, à l'affût de ma peau blanche qui capte le moindre rai de lumière dans l'obscurité. « Fé chô, dêh ! », « Est-ce que la chaleur ne t'accable pas trop dans tes activités ? », « Le record à Ouaga, c'est 47,7° ! » Bref, si vous aviez oublié le mercure, il y a toujours quelqu'un pour vous rappeler les 42° à l'ombre. Ici, le Coca se transforme en infusion en dix minutes chrono.
L'Harmattan peut souffler et soulever la poussière, c'est pire. C'est comme si Dieu s'était fait un brushing et qu'il avait oublié d'éteindre le sèche-cheveux : ça souffle chaud. Pareil pour le ventilateur : c'est pire que mieux. La semaine dernière, dans les bureaux de la Direction de la promotion de la femme, la climatisation fonctionnait à plein tube, réglée sur 18°. J'ai quasi eu un choc thermique. Question gaspillage, les championnats sont ouverts : régler la clim' sur 25°, ce serait déjà très frais comparé à la température ambiante.

lundi 1 mars 2010

"Ana" ralentit l'économie du Burkina


A 14 heures, comme tous les jours de la semaine à ce moment de la journée, les femmes ont déserté les rues et ont abandonné toute activité. Non pas pour la chaleur, qui pousse les hommes dans l'ombre des maquis (pour rappel, « les bars »), mais pour regarder « Les deux visages d'Ana », LE feuilleton qui rythme la vie des Burkinabais, sur la RTB (Radio Télévision du Burkina.) Comme on dit ici, « Ana, c'est pas petite affaire, dêh ! » Il s'agit d'une telenovela, un « soap latino », qui a pour héroïne Ana, une jeune mexicaine qui vit à Miami. Le doublage est digne d'une parodie des Inconnus. Bref, c'est davantage « Ca te barbera » que « Santa Barbara. » Mais le spectacle est devant l'écran : il faut regarder la tête de celles qui regardent la série. Et tendre l'oreille aux débats, parce qu'ici, c'est en groupe qu'on regarde « Ana. »