mardi 9 mars 2010

Une journée en pagne


Quand vous êtes Blanc, et en particulier si vous êtes une fille, blonde de surcroît, toute la rue se retourne sur vous, vous salue ou vous interpelle. Mais j'ai trouvé encore moins discret : une Blanche habillée en pagne du 8 mars (journée de la femme). Walaï ! Je me suis fait appeler « eh, 8 mars, là ! » toute la journée, alors que toutes les femmes de Ouagadougou portaient le même « uniforme de fête » que le mien. Quelques-uns m'ont souhaité « bonne fête » en me croisant.
J'avais donc fait faire chez le tailleur une tunique à bretelles, à porter sur un pantalon, parce qu'il faut avouer que le port du pagne intégral sied mal à la peau claire. Ici, le tailleur vous sort un cahier d'écolier, et vous demande de dessiner le modèle, s'il ne figure pas sur son catalogue. Je ne sais toujours pas par quel miracle mon gribouillis au bic sur une page double ligne est devenu exactement le modèle que j'avais imaginé.

Le tailleur et mon amie S. m'ont ensuite conseillé que ce modèle soit « plaqué », c'est-à-dire cintré. Une fois la tunique enfilée, j'ai compris que « cintré» est un doux euphémisme : plaqué, c'est collé tellement serré que tu ne peux plus respirer ô. Et avec la doublure, pour que la forme se maintienne, sous 40°, il vaut mieux avoir eu le temps de s'adapter à la chaleur. Voilà plus de deux semaines que je suis à Ouagadougou, j'ai donc pu porter ma camisole du 8 mars sans trop de peine. « C'est beau, dêh ! », m'ont dit mes copines, ce qui m'a convaincue d'oser sortir pour communier par le vêtement avec les femmes du Burkina. « Ouh, quand les gens vont voir naasara (« Blanc ») avec pagne là, ils vont être contents. »
Bien que j'aie expliqué dans mon reportage pour « Le Soir » que le pagne du 8 mars était discriminatoire pour celles qui n'ont pas eu les moyens de l'acheter, j'ai voulu vivre cette journée dans les règles imposées, pour éprouver les choses. Et le soir, je me suis retrouvée dans le plus grand maquis (pour rappel, « bar en plein air ») du Burkina, au milieu de 2.000 femmes déchaînées dans leur pagne. Le même pagne. C'est dire que si je n'avais pas enfilé ma tunique « journée de la femme », là, on aurait dit mouche sur assiette de riz. Sur la piste, plus un centimètre carré pour danser. Du coup, ça remuait du popotin entre toutes les tables, couvertes de vidanges de bière et de vin : étant donné que la femme burkinabè se lâche un jour par an, elle ne fait pas dans la modération. Jamais de ma vie je n'avais vu une ambiance de fête pareille. Ca donnait presque le tournis.
Après, le tout est de rentrer en vie. Parce que 8 mars, là, c'est plus festif que Noël et Nouvel an réunis, où chaque année, Ouagadougou compte ses morts bourrés (ici au sens premier...) sur les routes. La Brakina ça tape encore raisonnablement, mais dolo (bière de mil) et alcool frelaté, ça frappe la tête ô !
Le gardien de la chambre d'hôte où je loge m'avait déjà démonté le bras en faisant « tope là » dans l'après-midi : « Oh Sarline, toi aussi tu portes pagne 8 mars, là ! » (Oui, ici, « Charline » devient souvent « Sarline », ou « Machine » devient « Bassine »; et des fois, ça crée des malentendus.)
Le soir, je rentre avec ma copine S. et la petite N., 4 ans, déjà bilingue français – mooré. Je recroise le gardien, fin soûl, qui marmonne un truc en mooré, sans doute pour que je ne comprenne pas. C'était sans compter avec la petite N., qui traduit fort devant tout le monde : « Il a dit qu'il te veut pour épouser ! » Pagne du 8 mars, là, pour l'instant il est rangé dans armoire.

1 commentaire:

  1. C'est un peu comme chez nous ! Les gilles portent tous le même costume et mettent le même masque.
    Journée de la femme, fameux carnaval alors !
    Nous, ce qu'on veut, c'est une photo de Sarline, coincée comme une sardine dans sa tenue festive !

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