jeudi 11 mars 2010

Chez Pierre les-bons-prix


« Pour toi je vais faire un bon prix. » S'il existait une méthode Assimil du vendeur d'artisanat africain, cette phrase serait la première, comme le fameux « My taylor is rich. » Mais après quelques années de pratique, on ne me la fait plus. Par « Un bon prix », entendez un prix horriblement cher, qui dépasse l'imagination. Là, vous hurlez, et le vendeur vous répond : « Eh, faut pas hurler là, on discute ! » Voilà comment on peut passer des heures sur un baobab en bronze de 10 centimètres.
L'autre jour, mes amis M., N. et K. font leurs dernières emplettes cadeaux souvenirs avant de rentrer en France. Je les accompagne, parce que j'adore l'artisanat africain, et puis j'adooooore marchander. Ca m'amuse beaucoup, au grand désespoir des vendeurs qui m'ont repérée et se disent désormais « oh non, pas elle ! »

Exemple. Je vois de jolis bracelets en cuivre qui feront des heureuses à mon retour. Marchander pour un, c'est gâter son temps ô. Alors, je discute le prix pour trois avec le vendeur, « Doudou le magnifique », qui tient son stand à côté de « Pierre les bons prix ». Je sais déjà que Doudou va me faire le coup du « Bon prix pour toi. » Et non, aujourd'hui, il a décidé de varier, et me dit : « Aujourd'hui c'est liquidation, je dois vendre bracelets pour offrir dîner à ma femme pour le 8 mars. » Et là, il me sort un prix astronomique pour les bracelets. Je réponds: « Quoi ? Mais tu vas acheter foie gras pour ta go, là, ou bien ? » (une « go », c'est une fille.) Là, il comprend que je n'en suis pas à mon premier voyage au Burkina, et que pour m'arnaquer, ça ne va pas être simple.
« C'est quoi ton prix ? », me demande Doudou. Là, je lui sors un prix dérisoire, genre « tes bracelets c'est de la camelote. » Il hurle : « Quoi ? Mais tu veux me ruiner ô ? » Et là, je réponds : « Eh Doudou, faut pas hurler, on discute, non ? »
Comme je suis une gentille go, je vais vous donner les bases d'un bon marchandage.
Quand le vendeur vous annonce « le bon prix », divisez-le par trois, c'est généralement le prix maximum pour la valeur de l'objet. Donc, quand le vendeur vous demande : « C'est quoi ton prix ? », répondez-lui un montant inférieur. Exemple : un masque annoncé 15.000 CFA en vaut au grand maximum 5.000, donc, commencez à débattre à 3.000, parce qu'il va falloir monter, les vendeurs sont des grands pros de la discussion et ne lâchent jamais l'affaire.
Ensuite, assurez-vous qu'aucun touriste ne se trouve dans un rayon de 2 mètres pour discuter, parce que les vendeurs espèrent toujours obtenir le prix « pigeon » avec d'autres, tombés du dernier avion, et il ne faudrait pas que quelqu'un entende qu'ils vendent un masque à moins de 10.000 CFA. C'est ainsi que « Pierre les Bons prix » m'a filé son numéro de téléphone, pour que la prochaine fois, il m'amène des objets au maquis du coin, à l'abri du regard de ses concurrents et des touristes. Comme ça, on va pouvoir discuter des heures les prix autour d'un coca, en faisant des blagues. Parce que la discussion pendant le marchandage, c'est un échange qui peut être très amusant.
-« Quoi ? 20.000 la porteuse d'eau en bronze ? Non mais c'est pas eau qu'elle porte dans calebasse, là, c'est Chanel N°5 ! »
-« Eh mais tu as vu la couleur, là ? Y'a peinture dêh, c'est plus cher avec peinture ! »
-« Bon, moi je propose 4.000. Ca sert à quoi de t'appeler « Pierre les bons prix » si c'est pour me faire prix de Paris, là même ? »
-« Tu veux que je me retrouve sur la paille ? 4.000 là, c'est seulement prix de la peinture ! »
-« Bon, 4.500, mais c'est mon dernier prix, sinon, j'ai même plus de quoi rentrer en taxi. Et c'est pas porteuse d'eau qui va pouvoir me ramener chez moi ô. ».
-« Bénéfice, là, c'est même pas un coca avec ce que tu me proposes. »

Pour la fin de l'histoire, tout dépend si la journée débute (auquel cas le vendeur peut espérer refourguer la statuette à 10.000 à un touriste), ou si la journée a été très bonne, et que bon, le vendeur est un peu fatigué de discuter. Donc, mon dernier conseil, soyez en forme pour marchander, quitte à prendre une boisson fraîche dans un maquis et patienter un peu avant de vous lancer. C'est du sport, dêh !

1 commentaire:

  1. Le marchandage... tout un art ! Avec la langue que notre fameuse journaliste se paie... je plains de tout mon cœur les marchands ! N'est pas pigeonné qui croyait l'être !!

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