jeudi 18 mars 2010

Les masques du village


J'ai eu l'impression de voir un documentaire sur l'Afrique, alors que j'y étais : une cérémonie de funérailles animistes, et qui plus est, du chef coutumier d'un village. Masques, danses, tam-tams : presque intimidant. Mais pour mériter ce privilège, en tant qu'étranger au village, Blanc de surcroît, il a fallu suivre un parcours. Et jeu de l'oie, là, c'est petite affaire à côté.
D'abord, 80 km sur la route du nord, vers le Mali, dans la voiture de Tantie J., dont le nombre de points communs avec le four de ma cuisine a de quoi surprendre. Surtout lorsque vous êtes assis côté soleil, à midi pile. J'ai cuit comme poulet braisé ô, avec pour question récurrente : « Pas trop chaud ? » Euh, non, non, je surveille la cuisson...

Arrivée au village, Tantie J. nous invite chez son père de 80 ans, dont nous découvrons qu'il tient la forme, puisque ma tantie de 54 ans m'a à cette occasion présenté son demi-frère de... même pas encore 6 ans. Là-dessus, pour nous remettre du trajet en four à micro-ondes, elle nous sort un jus de gingembre bien glacé. J'ai vérifié si elle en servait au vieux, histoire de savoir si le petit de 6 ans risquait de ne pas être le dernier de la famille... (En Afrique francophone, « le vieux » n'est pas péjoratif du tout, c'est la manière dont on désigne son père.) Mais au Burkina, c'est la Guinness ou un yaourt aux céréales qui sont considérés comme aphrodisiaques, pas le gingembre, qui a d'autres vertus, notamment digestives.
Dans la cour de la maison, un mausolée en carrelage blanc, qui ressemble à une tombe, mais tellement démesurée que j'ai eu un doute. Mais non, c'est bien « la tombe de ma maman », confirme Tantie J. Une fois dans la maison, devant les murs en béton brut de chez brut, ma copine E. me dit : « avec tout le carrelage du mausolée, il y avait moyen de carreler la salle de bains ! »
Direction le centre du village, pour la sortie des masques, car « maintenant, il fait relativement frais », nous dit le vieux, avec le plus grand sérieux, alors que j'ai plus chaud que le poulet grillé dans mon assiette, là même.
Je me suis demandé si l'événement du jour, c'étaient les funérailles, ou des Blancs au village. J'ai serré plus de mains que Jacques Chirac en campagne en Corrèze. Je me suis assise dans toutes les cases, pour saluer tous les gens et échanger les formalités d'usage : « Laafi, laafi bala » (« la santé, la santé seulement ») répété dix fois, parce qu'on vous demande des nouvelles de la santé de votre père, de votre mère, de vos oncles et tantes, et si vous avez un hamster... J'ai salué la doyenne, qui reçoit topless dans sa case, et devant laquelle tout le monde s'incline avec beaucoup de respect.
Ensuite, on nous a installées au premier rang autour du cercle de danse, sur les deux seules chaises de toute l'assemblée. Et là, dire qu'on a mordu la poussière est un euphémisme. La terre est si sèche en cette saison qu'elle vole sous les pas des danseurs en transes derrière leurs masques. Ce sont les masques de funérailles, que chaque famille garde chez elle, et qui ne sortent que lorsque le gardien des fétiches est décédé. De quoi ajouter de la poussière à la poussière.
Une chance que pour quitter le village, il ne faille pas dire au revoir, sinon, je serrais encore des mains jusqu'au lendemain.

1 commentaire:

  1. Et bien... presque une semaine entière sans chronique !!! Il était temps !
    Sont bien gentils tous ces gens-là de demander des nouvelles de matante et mononcle !! Tu retourneras leur serrer la pince de notre part !Et tu leur diras que s'ils ont besoin de nouveaux masques... on en a aussi !! ;)

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