vendredi 12 mars 2010

En français du Burkina dans le texte


Français du Burkina, là, c'est doux comme mangue bien mûre. Au bout de trois semaines, je continue à m'adresser aux Blancs en français châtié, mais avec les Burkinabè, j'adore parler « leur » français, et donc l'écrire dans mes petites chroniques, qui seraient « sans goût », sans cette particularité linguistique.
Mais un lecteur m'a écrit pour me dire qu'il trouvait « condescendante » la manière dont je faisais parler les Ouagalais dans mes chroniques. Walaï ! C'est pourtant de ma part une déclaration d'amour au français du Burkina, que je trouve savoureux. Nous, les Belges, nous avons aussi nos particularités, que les Français relèvent souvent, et là, de manière condescendante. Si je devais écrire des chroniques sur la ville dont je suis originaire, j'utiliserais le même procédé : « Walaï ! » deviendrait « Nondidju ! », et « dêh » ou « ô » au bout des phrases deviendrait « Tu vois, quoi », que j'entends à tout bout de champ. Et je vous passe la radio qui devient « radjo », et qui ne vaut pas mieux que « bassine » pour dire « machine. »

Donc, à Ouaga, je m'intègre linguistiquement, et pour commander à boire, je fais comme tout le monde : « Pssit » pour appeler le garçon, et « Faut amener un coca, là ! », pour « Un coca, s'il vous plaît. » Ma copine Ch., qui vit ici depuis sept mois, est encore plus intégrée, et quand poulet est trop dur (sans doute un poulet qui a eu des tracasseries de son vivant), elle dit : « Faut renvoyer, là même. »
Quand le taximan essaye de me faire croire que la course vaut 1000 francs (« oh, c'est comme porteuse d'eau, là, t'as mis Veuve Cliquot dans réservoir ou bien ? ») au lieu de 200, je lui dis : « eh mon frère, faut pas essayer de taper naasara, là, c'est pas propre. 200 francs c'est propre. » (« taper » signifie « arnaquer » et « c'est propre » veut dire « c'est réglo. ») Les Burkinabè aiment beaucoup discuter, et parler le français d'ici permet de se mettre sur la même longueur d'ondes.
Mais la remarque de ce lecteur m'a permis d'apprendre une chose très intéressante : d'après mes amis B. et B. (surnommés Bed & Breakfast), ce français qui omet de prononcer les articles « le » ou « un » (« faut amener coca ») a été importé de Côte d'Ivoire (les lecteurs de la BD « Aya de Yopougon » peuvent d'ailleurs y lire ce français sans articles, qui m'a beaucoup inspiré dans mes chroniques.) Historiquement, la Côte d'Ivoire et le Burkina sont très liés, et énormément de Burkinabè ont vécu de l'autre côté de la frontière, là où il y a davantage de ressources. Mais depuis la crise ivoirienne, la diaspora du Burkina est rentrée au pays, et y a importé, outre la réparation des téléphones portables, un type de « parler français » que les plus vieux burkinabè ne parlent pas, « leur français à eux est correct », me dit B. Mais moi je préfère un français savoureux à un français « correct. »

1 commentaire:

  1. Ce we, on va se goder un peu et bisser la bibine, puis on prendra un Titanic car comme on aura l'oeuf colonial et grosse fatigue, on risquera moins de rencontrer maltype ! C'est pas caillou finalement ! ;):))))) de parler le français du Burkina !

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