samedi 27 mars 2010

Docteur Ouédraogo, il bombarde !


Docteur Ouédraogo, médecin à Ouaga, il m’a tellement amusée qu’en sortant de son cabinet, c’est comme si j’avais avalé tube de vitamines, là même. Pourtant, il m’a expliqué que j’avais invité une bactérie à visiter mon organisme, du genre de celles qui vous laissent le loisir de lire l’intégrale de Proust au petit coin.
Quand un type est marrant et aime parler — comme la majorité des Burkinabè —, j’ai tendance à entretenir la causerie, et il finit toujours par me dire : «Tu poses beaucoup de questions, dêh ! T’es journaliste ou bien ?» Tant qu’on ne me dit pas «T’es de la police»… Les «hommes intègres» (signification de «Burkina», «faso» signifiant «pays») adorent les questions, car ça relance la conversation, un loisir qu’ils adorent : «causer», «échanger», «plaisanter.»
Arrivée au cabinet du docteur Ouédraogo sur la moto de mon ami A. (qui vérifiait à chaque carrefour si je n’avais pas chu de son âne à moteur), le doc nous attendait à l’entrée, dans sa blouse blanche, clope à la main : «Moto rouge, là, c’est pompiers pour une urgence ou bien ?» Je l’aimais déjà, ce docteur Ouédraogo.

Il a commencé par causer dix minutes à partir de mon nom de famille qu’il a trouvé «compliqué.» Cabinet, là, était tout petit et sans fenêtres. La seule vitre était celle du guichet à l’entrée, où on paye la consultation 4000 francs (6 euros.) Ca paraît dérisoire, mais c’est deux à six jours de salaire, selon que vous soyez enseignant ou agriculteur.
Doc de Ouaga, là, il m’a prescrit tellement de médicaments que son ordonnance était rédigée tout serré et recto-verso. Un jour au maquis, j’avais entendu l’un de ses confrères dire : «Moi, je ne prends aucun risque, je bombarde la maladie à coups de médicaments, je ne veux pas d’ennuis.» Il fustigeait notamment les pharmaciens qui proposaient les médocs au détail, c’est-à-dire en vendant juste ce qu’il faut de pastilles dans des petits sachets plastique, ce qui détériore rapidement les principes actifs.
Bref, me voilà à la pharmacie, avec mes toutes dernières forces. Dehors, il faisait 40°, mais dedans, c’était chaud comme four à pain, dêh ! Et la rapidité n’étant pas un trait caractéristique de l’Africain, mes dernières forces ont fondu derrière le comptoir où j’avais fini par m’agripper, en observant le ralenti qui se jouait devant moi. Pharmacien de Ouaga, là, il te donne la facture (enfin il gribouille une somme au bas de l’ordonnance) avant de te donner médicaments. Puis, il se met à scruter son étagère (oui, oubliez les travées coulissantes et les tiroirs à roulettes, ici, c’est étagère en bois, le stock n’est pas énorme, et les Africains ne sont pas drogués aux pilules comme les habitants des pays où trou de la sécu, là, c'est gros comme hippo dans marais asséché.)
A ce moment, je commence à voir flou. Et ce qui m’a achevée, c’est que quand tout a été posé sur comptoir, là même, gras un peu « fléké fléké », (« mou »), il a commencé à me dire : «Bon… Stimol, là, c’est noté en gélules, mais nous on a qu’en ampoules. On fait quoi, ô ?» Comment ça «on» ?
Là, au bord du malaise, j’ai voulu m’asseoir, mais y’avait pas chaise, dêh ! J’ai dû m’asseoir par terre, juste à l’entrée, pour goûter à la fraîcheur des 40° (ça faisait tout de même 10 de moins qu’à l’intérieur.) Mon ami A., qui attendait dehors sur sa mobylette, prend alors la suite des opérations, tandis que le pharmacien me regarde quasi m’évanouir sous ses yeux sans broncher. A. revient avec sachet de médicaments gonflé comme joues de hamster jovial (tellement docteur Ouédraogo il m’a bombardée, là même). Mais le pharmacien avait oublié de retourner l’ordonnance pour me fournir la suite du dispositif d’extermination à l’arme lourde de ma bactérie. Tout ce dont je me souviens ensuite, c’est de la moto qui démarre, avec la voix du pharmacien qui crie de derrière son comptoir : «Eh, j’ai oublié chose, là : manque 300 francs, ô !» (50 centimes d’euro sur un total de 30, qui ont prolongé mon cauchemar de dix minutes…)
Mais dès le lendemain, walaï ! En une prise de l’arsenal militaro-médical, j’étais ressuscitée de ma « gastro-entérite aiguë avec pointe de fièvre. » Bien que pendant quelques jours encore, de grands auteurs m’ont tenu compagnie au petit coin.

2 commentaires:

  1. Le comble pour un malade de gastro-entérite, c'est de devoir aller au "cabinet" d'un médecin pour se soigner ! hihihihi

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  2. tu métonnes que ton ami A. regardait sans cesse si tu ne tombais pas de son âne à moteur si t'étais sur le porte bagage dans cet état là !!!!!

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