jeudi 4 mars 2010

Panne de courant au "premier bureau"


« Courant est parti ? » J'apprends à parler le français du Burkina, et je dois dire que cette phrase-là, je maîtrise. Autant que « Courant est revenu ? » Chaque jour, pendant un long moment, « Dieu oublie de suivre les activités » des électriciens de Ouagadougou. Délestages, surtensions, ou « quelqu'un a dû s'appuyer là où il ne fallait pas. » Et bizarrement, ça arrive à chaque fois que je m'apprête à appuyer sur la touche « Enter » de mon clavier d'ordinateur : quand je viens de rédiger un mail très long ou très urgent. Ou quand je dois « absolument envoyer l'article avant 12 heures. » C'est « le » gros détail que j'avais oublié de calculer en voulant travailler un mois au Burkina, « affaires de courant, ô, c'est pas facile. » Je pourrai bientôt rédiger une série « courant est parti quand je prenais ma douche », ou « courant est parti quand j'étais dans l'escalier avec un verre plein en main. »

En gros, « dès qu'il y a courant, il faut brancher, là même, parce que dans une heure, tu ne sais pas si ça va pas couper encore". Et quand « courant est parti », moi je m'en vais aussi : je délocalise mon bureau. Je vais dans le centre, près du grand marché, où sur les 800 mètres qui le séparent d'un hôtel où j'ai mon bureau bis, une trentaine de vendeurs ambulants essayent de me refourguer leur camelote. Crevant. Notez que je parle de « bureau bis », parce qu'ici, « le deuxième bureau », c'est avoir une maîtresse. Un sport national. Surtout que généralement, le premier bureau ne découvre l'existence du deuxième bureau qu'au décès de son mari, et s'aperçoit du même coup que dans les tiroirs de ce deuxième bureau, il y a des polichinelles qui ont grandi. Et là, comme mes copines disent devant leurs séries de Télé Burkina quand il y a un rebondissement : « c'est gâté » (« c'est foutu ! ») Et ici, puisque les pagnes (les tissus colorés dont on fait des boubous) ont tous un nom, il y en a qui ont été baptisés « Mon mari est capable » (de quoi ? Personne n'a pu me répondre) ou « Si tu sors, je sors », avec pour motif un oiseau qui sort de sa cage. Quant au pagne « L'oeil de ma rivale », ma copine A. m'a dit l'autre jour sur le marché : « Le jour où j'aurai une co-épouse, je vais porter ce pagne tous les jours ! »
Ma tantie J. me raconte plein d'histoires incroyables de découvertes de deuxième bureau qui m'amusent beaucoup, surtout du vivant du mari. Mais ces anecdotes en disent long sur le statut de la femme. « Une fille se rend pour la première fois chez une de ses amies, dans un quartier où elle n'a jamais mis les pieds de sa vie. Elle voit arriver un monsieur qui entre dans la maison d'à côté et demande à sa copine si ce monsieur vient souvent », raconte ma tantie. « La copine répond : évidemment, c'est notre voisin ! Sur ce, l'autre répond : mais ton voisin, là, c'est mon père, dêh ! » Au Burkina, les équivalents de « Voici », « Hola! » ou « Closer » ne racontent que ce genre d'histoires, en plus gore : « Mon oncle m'a violée alors qu'il savait qu'il avait le sida », avec des dessins et force détails bien étalés comme sauce arachide sur le riz.
Mais il semblerait que les femmes ne soient pas en reste. A., le patron de la maison où je loge, m'a d'ailleurs dit : « Je me demande qui de l'homme ou de la femme a commencé à être infidèle. » Et hier, Ch., un Ouagalais qui a mon âge, m'a demandé : « Est-ce que tu as déjà vu un couple en rue ? » Walaï ! C'est vrai que je n'en ai jamais vu ici ! « Pourtant, tu en croises plein ! » Et là, ça veut dire que courant peut partir ou revenir, mais au moins, courant est passé.

2 commentaires:

  1. J'adore la chute !!!!
    Moi en lisant, rire beaucoup ! Ici courant pas parti, merci mon Dieu, lecture article est possible !
    Me poserai dorénavant question quand Y me dira qu'il va au bureau ! "Au coin", dis... ça veut dire quelque chose de spécial ????? ;)

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  2. Très amusant! Tu pourrais succéder à Nicole De Buron!
    Et le DVD, c'est le correspondant des "Desperate houwifes"?

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