jeudi 25 mars 2010

C'est beau, dêh, on dirait Rihanna !


Le gars africain a tendance à oublier qu’il ne serait rien sans les femmes, sans ses sœurs. J’ai beaucoup de tendresse et d’amitié pour mon ami C., un joyeux fêtard plutôt futé, qui gagne pas mal sa vie, mais qui traite ses copines comme bouteille de J&B en discothèque, là même. Il met son nom dessus et demande au barman de la remettre au frais en attendant qu’il se serve un prochain verre. Des fois, il l’oublie dans le frigo de la disco. Au mieux, il reprend la bouteille mais l’oublie dans le coffre de sa voiture…
L’autre jour, nous étions réunis autour de bières bien fraîches à « l’ambassade », le maquis tenu par E., une Ivoirienne stylée et ses copines. C. demande à mon ami B., qui avait emprunté la mobylette de sa cousine, s’il peut aller chercher « un colis » pour lui à la gare. Walaï! J’ai avalé ma gorgée de Brakina de travers quand j’ai vu que colis, là, c’est une go (« une fille ») ! Elle venait de Bobo-Dioulasso, à 5 heures de car de Ouaga, pour le week-end. Pour voir mon ami C., qui était en train de faire des plans pour sortir tout le week-end dans diverses boîtes de nuit de la capitale (le Burkinabè aime changer d’endroit pendant la soirée.) Ravie, la go, de voir que son gars a prévu de lui accorder toute son attention après un si long voyage pour si peu de temps…

Il faut dire qu’elle était un peu effacée, tandis que mon ami C. est plutôt boute-en-train, à tenir l’assemblée en haleine avec ses histoires. Rien qu’à la regarder, je devinais qu’elle s’était préparée depuis la veille : sourcils travaillés à l’Africaine, c’est-à-dire complètement redessinés en accent circonflexe que tu dirais le Mont Blanc, et tellement haut au-dessus de l’œil que son regard a l’air de t’interroger en permanence. Rajouts blonds dans les tresses, lunettes de soleil à brillants sur la tête, et boudinée à la portoricaine dans son petit t-shirt dénudant une épaule. « C’est beau, dêh ! On dirait Rihanna !», ont certainement dû lui dire ses copines avant de partir (oui, Rihanna, cette chanteuse qui rivalise de bon goût et d’élégance avec Lady Gaga a la cote en Afrique.)
Tout ça pour que son gars la trimbale de boîte en boîte jusqu’à plus soif de J&B — qui est « la » boisson des gars stylés qui tirent une fierté particulière à écrire leur nom sur la bouteille, pour qu’elle soit donc bien mise au frais avec la copine pendant qu’ils sirotent.
Mais une fois le « colis » renvoyé à la gare vers Bobo-Dioulasso, j’ai percuté une subtilité : E., la patronne de l’ambassade, une jolie go stylée mais un peu délurée, a le béguin pour mon ami C. ! En venant lui faire la bise, elle lui dit : « Eh, C., tu viens ici alors que tu sens encore savon d’hôtel ô ! » En effet, le colis était logé à l’hôtel. « Mais E., on est obligés nous les hommes de s’occuper de plusieurs gos à la fois ô ! Les statistiques nationales le prouvent : y’a plus de femmes que d’hommes dans ce pays. Les gars comme moi devraient être déclarés d’utilité publique ! »
Là-dessus, j’en rajoute : « Quoi, C. ? T’as abandonné E. pour ton colis de Bobo, là ! Eh, y’a tapé dos, dêh ! » (« Taper dos », c’est «tromper», d’où ce monument de la chanson française interprété par les Ivoiriens de Magic System : « Si tu as tapé dans mon dos, je vais taper dans ton ventre. »)
Pendant ce temps, le colis manifestement bien arrivé à Bobo envoyait un SMS à C., qui a tenu à nous en informer par cet autre monument de poésie : « Eh les gars, apparemment, y’a possibilité de suivre le dossier. »

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