lundi 20 décembre 2010

CD avec sticker, là, ça vaut plus cher


« On s’attrape ! » C’est le rendez-vous africain : on ne se fixe ni jour ni heure – montre et calendrier, là, c’est affaire de Blancs – mais on se croise (au marché, dans un taxi) ou on provoque le croisement en s’appelant au téléphone, si « ça passe », parce que réseaux au Burkina, souvent, « ça passe pas ô. »
Bref, pendant un mois, mon ami J.-V. et moi, on a essayé de s’attraper sans y arriver. Je me tue à lui dire que si on avait pris un rendez-vous de Blanc, là, avec montre et calendrier, on y serait arrivés, mais autant essayer de convaincre Barack Obama de l’utilité d’un sèche-cheveux.

dimanche 5 décembre 2010

Glace va sortir (mais alors avec paille)


Avec une moto, un porte-monnaie et une connaissance approfondie de la ville, le Blanc peut retrouver ponctuellement quelques éléments de confort (considérés à Ouaga comme des éléments de luxe… bien que je me contenterai de vous parler de crème glacée, et pas des robinets en or dans le palais de Blaise Compaoré.)
Mon ami A. nous prête sa moto pour quelques courses dans le centre, et me demande un service : « Tu peux ramener glace ? Un litre, un litre : vanille, pistache, chocolat et citron. » (« Un litre, un litre », ça veut dire « un litre de chaque », comme « deux cents, deux cents » quand vous êtes deux à monter dans un taxi ou « mille, mille » si vous achetez deux mille unités téléphoniques.)
Bref, pour ramener glace, là, il faut impérativement être maître au volant. Surtout ne pas prendre le taxi, qui va s’arrêter vingt fois pour embarquer débarquer des clients, déposer des colis, tomber en panne, perdre une roue, renverser un cycliste, tuer un piéton, etc.
Dans la boulangerie la plus fameuse de Ouaga, la patronne libanaise est comme chaque jour coincée dans sa chaise haute, à compter les billets. A chaque fois que je reviens au Burkina, j’ai l’impression qu’elle a grossi et qu’elle ne peut plus se désencastrer de sa chaise.
Ils sont deux employés africains (les Libanais ne s’occupent que des billets ;-) à me servir, mais ça va durer aussi longtemps que s’ils étaient un demi-employé en pleine crise de palu. Ils se parlent : «Glace-là est dure dêh ! » « Ah ouais, c’est pas facile… » « Faut mettre plus là, sinon ça fait pas un litre, un litre : faut tasser. » « Eh ! Tu n’es pas concerné non ? Occupe-toi de la vanille moi je mets chocolat, là » « Y’a pas spatule, je fais comment pour vanille ô ? Termine chocolat et puis je tasse vanille, là »…
Pendant ce temps, citron tassé dans tupperware est déjà en train de ramollir, et pistache « ça va sortir », ce qui équivaut à un « tout de suite africain », ce qui signifie que je ne suis pas dans la m*** avec le citron qui a eu le malheur de sortir en premier.
Après, faut payer. C’est-à-dire qu’il faut d’abord attendre que la patronne lève le nez de sa liasse de billets qu’elle n’en finit plus de compter, parce que francs CFA, là, c’est petite monnaie : 1 euro, c’est 655 francs. Autant dire qu’avec l’équivalent de 10 euros en billets CFA tu as de quoi fabriquer des talonnettes pour Nicolas Sarkozy, un presse-livres ou monter sur la liasse de billets pour attraper le pot de confiture au-dessus de l’armoire.
Glace est payée, mais les deux employés cherchent sac plastique parce que « faut mettre », « mais sac est petit ô, faut amener grand sac »… Et là, l’imprévu à l’africaine, mon ami A. : « Allô Charline ? Oignons est fini ici, tu peux ramener ça aussi ? » « Ca » et mon amie E. qui a voulu s’arrêter chez le glacier concurrent pour acheter demi-litre de glace coco, c’était la cata. Je suis montée sur la moto avec dans les mains 4,5 litres de glace déjà ramollie par le rythme africain, et menacée par les 45° qu’il fait en plein soleil sur le goudron. Citron et pistache qui étaient « dures dêh ! » ont survécu. Mais je suis arrivée chez mon ami A. avec une cuisse à la vanille, et l’autre au chocolat.

vendredi 3 décembre 2010

Poulet sans os, c'est quelle magie ça ?


"C’est quel poulet là même ? Y’a pas ailes, y’a pas os, poulet d’Europe est comme ça ou bien?" Comme mes amis Burkinabè B. et D., j’ai eu du mal à y croire, mais si : dans une caisse de matériel humanitaire ramenée d’Espagne, les volontaires de notre ONG ont réussi à caser un rôti de poulet, pour les soirs de saturation du riz gras, riz sauce ou riz seul.
Pourtant, s’il y a bien un truc facile à trouver en brousse c’est bien poulet ô ! Grillé, sauté ou flambé, y’a même le choix de la préparation pour varier. Et les volontaires espagnols, ils ont amené quoi d’Europe ? Pas jambon ibérique, non, ils ont ramené volaille !
Le clou, c’est que rôti de poulet, là, il était fourré avec œufs durs ! Quand on coupe une tranche, au milieu, y’a un rond blanc avec un rond jaune à l’intérieur. Les Burkinabè à table, ils ont halluciné : « eh, c’est quelle magie, là même ? » Euh… je vous sers une tranche ? « Tranche de poulet ? C’est chic dêh ! »

mercredi 1 décembre 2010

Coupure, là, elle a duuuuré !


« Ca fait deux jours ! » Même si vous n’avez plus croisé quelqu’un depuis un mois, il se plaindra de votre absence en disant : « Ca fait au moins deux jours. » Au début, je pensais avoir un sosie à Ouaga, parce que j’étais sûre de ne plus avoir croisé S., F. ou G. depuis bien plus de 48 heures, et puis j’ai compris.
Bref, blog là, ça fait au moins deux jours, plus deux jours, fois deux jours ! Malédiction : wi-fi a coupé, et ça a duré. Dans le quartier où je loge, la voie principale est en travaux, les fils du téléphone étaient à nu, et ils ont été volés. C’est qu’on peut faire plein de choses en Afrique avec fils de téléphone : tresser des paniers, attacher 346 kilos de colis sur le toit d’un taxi, faire pendre ses vêtements à sécher, etc. Mais quand y’a plus câbles, là, y’a plus internet non plus.

jeudi 11 novembre 2010

Brève de maquis : "chose que tu pousses là"


Ma copine burkinabè S. est restée avec la porte de l'armoire du petit dej' dans la main. La charnière a lâché (du travail de pro puisqu'ici le provisoire est un sport national.) "Porte là, ça fatigue, dêh ! C'est plus pratique chose que tu tires, tu poses dedans et puis tu pousses".
"Ouais, un tiroir quoi..."

mercredi 10 novembre 2010

"Il n'y a que les montagnes qui ne se rencontrent jamais"


C'est fou ce qu'ici on rate des occasions de se taire. Mercredi par exemple, je cherche un taxi dans le quartier de Gonghin, où il y a un festival de théâtre. Sur la voie où je me trouve, il passe un taxi toutes les demi-heures. Celui qui s'arrête, faut pas le rater ô, faut marchander : "Je paie pas mille francs, parce que sur la route, tu peux embarquer des clients, et on va encore se retrouver à 4 derrière collés-collés comme dans boîte de sardines." Je m'en sors à 400 francs et une jolie histoire.

lundi 8 novembre 2010

Brève de maquis : les élections du 21 novembre


- "Tantie, ton mari député là, avec les élections il doit beaucoup jober, il fait quoi ?"
- "Il travaille beaucoup ! Tu sais, ici beaucoup de gens ne sont pas alphabétisés. Alors, il passe son temps à leur expliquer comment ça fonctionne avec un duplicata de bulletin, il leur montre pour qui ils doivent voter" (sic).
- "..."

dimanche 7 novembre 2010

La famille margouillat


Il y a des jours où la biodiversité en Afrique nous semble injustement limitée dans le périmètre qui nous concerne. Par exemple, hier, le biotope de ma chambre n'avait rien de très charmant. Depuis une semaine, chaque jour, l'ouverture de ma porte fait déguerpir un margouillat sous mon lit (un lézard.)
J'ai la vague impression que, profitant de ma sortie de samedi soir, il a invité sa famille et ses amis. J'ouvre la porte de mon armoire : un margouillat. Je ferme la fenêtre : un margouillat. Du coup, je fais hyper gaffe de fermer systématiquement la valise où j'ai laissé quelques affaires, parce que je ne tiens pas à enlever un membre de la famille margouillat par inadvertance (dès fois qu'une maman margouillat s'imagine que son fils aura un meilleur avenir s'il est élevé en Europe...)

samedi 6 novembre 2010

Les sabots en noyau d'olive


Je me dois de faire une parenthèse un peu hors de la vie quotidienne à Ouaga pour vous parler d'un phénomène croisé à Ouaga: S. Elle pose pour la première fois le pied en Afrique, et à sa descente d'avion, elle débarque à notre table pour notre plus grand divertissement. Morceaux choisis :
"Je me suis hyper renseignée sur internet avant de venir. J'ai vu qu'il faisait 24 degrés à Ouaga, alors je me suis imaginé que le soir il fait plus frais et je n'ai que des manches longues dans ma valise ! Mais là il fait chaud, il fait combien ? " Euh... 35° en journée et le soir ça tombe à 28. Va falloir couper manches ou acheter de la sape sur le marché...Mais c'est quoi le site internet que t'as consulté ô ? Parce que 24° c'est température qu'il fait à Ouaga mais dans bureaux des ministères, quand la clim' est fatiguée.

mercredi 3 novembre 2010

Le Carambar africain


C'est un peu les blagues Carambar de l'Afrique : tu oublies presque de mâcher le bonbon en lisant la blague dans l'emballage. Moins d'une semaine au Burkina et j'ai déjà craqué sur un triangle de Vache qui rit. Restait à trouver du pain. Je vais dans ce petit maquis au coin de la rue qui sert Nescafé, là, et je demande du pain. La tantie me sert une baguette tellement molle qu'elle la plie en deux sans la casser et l'emballe dans du papier journal.
Je rentre, je me fais un sandwich pas pire que ceux de la SNCF, et machinalement, mon regard balaye la page de journal. Ca doit être la dernière page de l'« Observateur ». A côté de la liste des marchés de la semaine,y'a horoscope. Walaï de chez walaï ! Madame Irma de Ouaga, là, elle lit dans les astres comme moi je lis dans entrailles de poulet ô.

mercredi 21 avril 2010

To be continued...

La saga quotidienne de Burkina Fashion revient en novembre.

jeudi 1 avril 2010

A l'heure africaine


«J’arrive tout de suite», phrase ô combien rassurante dans son acception occidentale, devient inquiétante en Afrique, car elle nous plonge dans l’inconnu : combien de temps vaut ce « tout de suite » ? « Ca vaut un certain temps », vous répondrait un Burkinabè. Mais puisque je suis une go curieuse des pratiques africaines, j’ai tenté de tirer des conclusions de mes observations.
«Tout de suite» signifie qu’au minimum, vous avez le temps de vous envoyer une Brakina (cette bière n’est servie qu’en bouteilles de 65 cl, ce qui triple déjà la notion européenne de « s’envoyer une bière. » Mais si vous n’étiez pas au courant, c’est que vous êtes un lecteur tout frais sur mon blog, parce que Brakina, là, apparaît dans toutes mes chroniques.)
Au pire, cette supposée instantanéité de la venue de votre ami vous laisse le loisir de faire griller un poulet, déplumage et découpage compris. En clair : une plombe. Les Africains qui ont un sens du proverbe très développé disent : «Les Blancs ont tous une montre, mais ils n’ont jamais le temps.» C’est le genre de gifle salutaire qu’on reçoit ici, et je dois avouer que cette notion de temps diluée comme dolo dans calebasse, là, ça me perturbe encore (le «dolo» est la bière de mil, artisanale, et qui d’après de récentes études, attire les moustiques allophènes, ceux porteurs de la malaria. De toute façon, le Blanc ne boit pas de dolo, fabriqué avec eau du puits, là même. Sinon, il contribue à la déforestation par rouleaux de papier toilette interposés.)
Je constate avec inquiétude que j’en reviens toujours à la bière et aux considérations sur le petit coin, alors je reprends le fil de mes observations sur le temps.
Mon ami B. m’a gratifiée d’un exemple édifiant. Chauffeur pour un bureau d’agronomes à Ouaga, quand il ne balade pas les ingénieurs en mission, il est chargé de faire des courses avec le gros 4x4 climatisé où je risque le choc thermique à chaque ouverture de la portière.
Alors que je l’accompagne pour aller à la Sonapost (la poste, avec des files tout pareil que chez nous, ou quand l’administration touche à l’universel…), il décroche son téléphone : «Allô ? Oui, je suis en train d’acheter les brochettes.» Walaï ! Ici la poste vend brochettes ! Erreur. A l’heure où mon ami B. devait se rendre à la Sonapost, il est passé me chercher à l’autre bout de la ville. Résultat : à l’heure où il se trouve à la poste, il prétend à son patron qu’il est entrain d’acheter les brochettes du déjeuner. Vous aurez soulevé que la notion d’ «en train de» est tout aussi relative que celle de «tout de suite.»
Fatalement, après, ça se complique : alors que B. est «en train d’acheter des brochettes», il prétend être au magasin de pièces détachées pour la courroie défectueuse de la voiture. Arrivé aux pièces détachées, il dit à ses patrons qui s’impatientent : «Mais oui, j’arrive tout de suite, là je suis en train d’acheter pain pour brochettes, ô !», et ainsi de suite. Là où ça cale, c’est que la boulangerie est juste en bas du bureau des agronomes, et que B. va devoir expliquer comment il a mis 20 minutes pour acheter des baguettes à 50 mètres, parce que ses patrons agronomes sont Blancs, qu’ils ont une montre, et qu’ils n’ont pas le temps.

N.B.: Sonapost signifie «SOciété NAtionale des POSTes», et se décline à l’infini : Sonabel, «SOciété NAtionale d’ELectricité du Burkina» ; Sonatur, «SOciété NAtionale d’Aménagement des Terrains URbains», ou SOciété Nationale de LAminage de PrOduits à Réaction Thermique, la Sonalaport (encore à l’état d’ébauche.)

samedi 27 mars 2010

Docteur Ouédraogo, il bombarde !


Docteur Ouédraogo, médecin à Ouaga, il m’a tellement amusée qu’en sortant de son cabinet, c’est comme si j’avais avalé tube de vitamines, là même. Pourtant, il m’a expliqué que j’avais invité une bactérie à visiter mon organisme, du genre de celles qui vous laissent le loisir de lire l’intégrale de Proust au petit coin.
Quand un type est marrant et aime parler — comme la majorité des Burkinabè —, j’ai tendance à entretenir la causerie, et il finit toujours par me dire : «Tu poses beaucoup de questions, dêh ! T’es journaliste ou bien ?» Tant qu’on ne me dit pas «T’es de la police»… Les «hommes intègres» (signification de «Burkina», «faso» signifiant «pays») adorent les questions, car ça relance la conversation, un loisir qu’ils adorent : «causer», «échanger», «plaisanter.»
Arrivée au cabinet du docteur Ouédraogo sur la moto de mon ami A. (qui vérifiait à chaque carrefour si je n’avais pas chu de son âne à moteur), le doc nous attendait à l’entrée, dans sa blouse blanche, clope à la main : «Moto rouge, là, c’est pompiers pour une urgence ou bien ?» Je l’aimais déjà, ce docteur Ouédraogo.

jeudi 25 mars 2010

C'est beau, dêh, on dirait Rihanna !


Le gars africain a tendance à oublier qu’il ne serait rien sans les femmes, sans ses sœurs. J’ai beaucoup de tendresse et d’amitié pour mon ami C., un joyeux fêtard plutôt futé, qui gagne pas mal sa vie, mais qui traite ses copines comme bouteille de J&B en discothèque, là même. Il met son nom dessus et demande au barman de la remettre au frais en attendant qu’il se serve un prochain verre. Des fois, il l’oublie dans le frigo de la disco. Au mieux, il reprend la bouteille mais l’oublie dans le coffre de sa voiture…
L’autre jour, nous étions réunis autour de bières bien fraîches à « l’ambassade », le maquis tenu par E., une Ivoirienne stylée et ses copines. C. demande à mon ami B., qui avait emprunté la mobylette de sa cousine, s’il peut aller chercher « un colis » pour lui à la gare. Walaï! J’ai avalé ma gorgée de Brakina de travers quand j’ai vu que colis, là, c’est une go (« une fille ») ! Elle venait de Bobo-Dioulasso, à 5 heures de car de Ouaga, pour le week-end. Pour voir mon ami C., qui était en train de faire des plans pour sortir tout le week-end dans diverses boîtes de nuit de la capitale (le Burkinabè aime changer d’endroit pendant la soirée.) Ravie, la go, de voir que son gars a prévu de lui accorder toute son attention après un si long voyage pour si peu de temps…

lundi 22 mars 2010

Poulet, là, c'est affaire sérieuse


Une chance que j'aime le riz : riz sauce, riz gras, riz blanc pour les jours de dérèglement de « mon petit ventre, tout ce que je mange, c'est pour toi », comme dit la chanson qu'on apprend ici à l'école. Une soeur qui vit au Malawi depuis plus de 20 ans m'a dit un jour : « Si tu ne manges pas en Afrique, c'est l'Afrique qui te mange. » Je pense souvent à cette phrase, surtout quand je vois des enfants qui vont à l'école le ventre vide, et se tordent de douleur devant leur cahier, dont les pages, forcément, restent blanches.
Mais bref, mes chroniques se veulent légères comme plat de poisson grillé, là même, et je propose de causer cuisine. « Y'a quoi ? » est la phrase qui permet au serveur de dérouler le menu. Dans la majorité des maquis, on vous répond : « Poulet, riz sauce, riz gras. » Avec un peu de chance, il y a plusieurs sauces : tomates, aubergines ou arachides. Souvent, menu varie, et « y'a alocos », des rondelles de banane plantin frites. Quand c'est grand luxe, « y'a petits pois, soupe de poulet », ou même couscous ô. Mais là, il faut être averti : « couscous » signifie un bol de semoule avec une cuillère à café de sauce et trois morceaux de légumes pour la déco.

jeudi 18 mars 2010

Les masques du village


J'ai eu l'impression de voir un documentaire sur l'Afrique, alors que j'y étais : une cérémonie de funérailles animistes, et qui plus est, du chef coutumier d'un village. Masques, danses, tam-tams : presque intimidant. Mais pour mériter ce privilège, en tant qu'étranger au village, Blanc de surcroît, il a fallu suivre un parcours. Et jeu de l'oie, là, c'est petite affaire à côté.
D'abord, 80 km sur la route du nord, vers le Mali, dans la voiture de Tantie J., dont le nombre de points communs avec le four de ma cuisine a de quoi surprendre. Surtout lorsque vous êtes assis côté soleil, à midi pile. J'ai cuit comme poulet braisé ô, avec pour question récurrente : « Pas trop chaud ? » Euh, non, non, je surveille la cuisson...

vendredi 12 mars 2010

En français du Burkina dans le texte


Français du Burkina, là, c'est doux comme mangue bien mûre. Au bout de trois semaines, je continue à m'adresser aux Blancs en français châtié, mais avec les Burkinabè, j'adore parler « leur » français, et donc l'écrire dans mes petites chroniques, qui seraient « sans goût », sans cette particularité linguistique.
Mais un lecteur m'a écrit pour me dire qu'il trouvait « condescendante » la manière dont je faisais parler les Ouagalais dans mes chroniques. Walaï ! C'est pourtant de ma part une déclaration d'amour au français du Burkina, que je trouve savoureux. Nous, les Belges, nous avons aussi nos particularités, que les Français relèvent souvent, et là, de manière condescendante. Si je devais écrire des chroniques sur la ville dont je suis originaire, j'utiliserais le même procédé : « Walaï ! » deviendrait « Nondidju ! », et « dêh » ou « ô » au bout des phrases deviendrait « Tu vois, quoi », que j'entends à tout bout de champ. Et je vous passe la radio qui devient « radjo », et qui ne vaut pas mieux que « bassine » pour dire « machine. »

jeudi 11 mars 2010

Chez Pierre les-bons-prix


« Pour toi je vais faire un bon prix. » S'il existait une méthode Assimil du vendeur d'artisanat africain, cette phrase serait la première, comme le fameux « My taylor is rich. » Mais après quelques années de pratique, on ne me la fait plus. Par « Un bon prix », entendez un prix horriblement cher, qui dépasse l'imagination. Là, vous hurlez, et le vendeur vous répond : « Eh, faut pas hurler là, on discute ! » Voilà comment on peut passer des heures sur un baobab en bronze de 10 centimètres.
L'autre jour, mes amis M., N. et K. font leurs dernières emplettes cadeaux souvenirs avant de rentrer en France. Je les accompagne, parce que j'adore l'artisanat africain, et puis j'adooooore marchander. Ca m'amuse beaucoup, au grand désespoir des vendeurs qui m'ont repérée et se disent désormais « oh non, pas elle ! »

mardi 9 mars 2010

Une journée en pagne


Quand vous êtes Blanc, et en particulier si vous êtes une fille, blonde de surcroît, toute la rue se retourne sur vous, vous salue ou vous interpelle. Mais j'ai trouvé encore moins discret : une Blanche habillée en pagne du 8 mars (journée de la femme). Walaï ! Je me suis fait appeler « eh, 8 mars, là ! » toute la journée, alors que toutes les femmes de Ouagadougou portaient le même « uniforme de fête » que le mien. Quelques-uns m'ont souhaité « bonne fête » en me croisant.
J'avais donc fait faire chez le tailleur une tunique à bretelles, à porter sur un pantalon, parce qu'il faut avouer que le port du pagne intégral sied mal à la peau claire. Ici, le tailleur vous sort un cahier d'écolier, et vous demande de dessiner le modèle, s'il ne figure pas sur son catalogue. Je ne sais toujours pas par quel miracle mon gribouillis au bic sur une page double ligne est devenu exactement le modèle que j'avais imaginé.

samedi 6 mars 2010

Combien pour "ambiancer " les reportages ?


Les gens de mon quartier me prennent pour une folle. L'autre jour, un gars qui m'observait du coin de l'oeil en peignant des chaises m'a dit : « Toi, tu es trrrès spéciale » (en roulant les R.) J'ai failli lui répondre : « Et toi ô, pour peindre chaises, là, ombre c'est pas mieux ? Soleil tape sur ta tête, dêh ! » Il est vrai que mon métier me pousse à faire des choses qui peuvent paraître bizarres aux gens du quartier de Ouidi, où je loge, et que je mets à contribution pour mes reportages.
L'autre jour, il me manquait une illustration sonore pour mon sujet radio sur le pagne du 8 mars. Ma chambre se situe au-dessus de « Drabo couture », qui confectionne des costumes. Je demande au tailleur : « Je peux enregistrer bruit de ta machine à coudre, là ? » Il m'a regardée comme si je venais de lui dire qu'il y a un éléphant dans ma douche. Il a dû penser : « Chaleur, c'est pas bon pour les Blancs, dêh ! »

jeudi 4 mars 2010

Panne de courant au "premier bureau"


« Courant est parti ? » J'apprends à parler le français du Burkina, et je dois dire que cette phrase-là, je maîtrise. Autant que « Courant est revenu ? » Chaque jour, pendant un long moment, « Dieu oublie de suivre les activités » des électriciens de Ouagadougou. Délestages, surtensions, ou « quelqu'un a dû s'appuyer là où il ne fallait pas. » Et bizarrement, ça arrive à chaque fois que je m'apprête à appuyer sur la touche « Enter » de mon clavier d'ordinateur : quand je viens de rédiger un mail très long ou très urgent. Ou quand je dois « absolument envoyer l'article avant 12 heures. » C'est « le » gros détail que j'avais oublié de calculer en voulant travailler un mois au Burkina, « affaires de courant, ô, c'est pas facile. » Je pourrai bientôt rédiger une série « courant est parti quand je prenais ma douche », ou « courant est parti quand j'étais dans l'escalier avec un verre plein en main. »

La piscine, c'est froid, dêh !


La chaleur est arrivée plus tôt que prévu au Burkina, et même en cette saison sèche, où tout ce qui était vert est devenu jaune, les moustiques sont au taquet, à l'affût de ma peau blanche qui capte le moindre rai de lumière dans l'obscurité. « Fé chô, dêh ! », « Est-ce que la chaleur ne t'accable pas trop dans tes activités ? », « Le record à Ouaga, c'est 47,7° ! » Bref, si vous aviez oublié le mercure, il y a toujours quelqu'un pour vous rappeler les 42° à l'ombre. Ici, le Coca se transforme en infusion en dix minutes chrono.
L'Harmattan peut souffler et soulever la poussière, c'est pire. C'est comme si Dieu s'était fait un brushing et qu'il avait oublié d'éteindre le sèche-cheveux : ça souffle chaud. Pareil pour le ventilateur : c'est pire que mieux. La semaine dernière, dans les bureaux de la Direction de la promotion de la femme, la climatisation fonctionnait à plein tube, réglée sur 18°. J'ai quasi eu un choc thermique. Question gaspillage, les championnats sont ouverts : régler la clim' sur 25°, ce serait déjà très frais comparé à la température ambiante.

lundi 1 mars 2010

"Ana" ralentit l'économie du Burkina


A 14 heures, comme tous les jours de la semaine à ce moment de la journée, les femmes ont déserté les rues et ont abandonné toute activité. Non pas pour la chaleur, qui pousse les hommes dans l'ombre des maquis (pour rappel, « les bars »), mais pour regarder « Les deux visages d'Ana », LE feuilleton qui rythme la vie des Burkinabais, sur la RTB (Radio Télévision du Burkina.) Comme on dit ici, « Ana, c'est pas petite affaire, dêh ! » Il s'agit d'une telenovela, un « soap latino », qui a pour héroïne Ana, une jeune mexicaine qui vit à Miami. Le doublage est digne d'une parodie des Inconnus. Bref, c'est davantage « Ca te barbera » que « Santa Barbara. » Mais le spectacle est devant l'écran : il faut regarder la tête de celles qui regardent la série. Et tendre l'oreille aux débats, parce qu'ici, c'est en groupe qu'on regarde « Ana. »

dimanche 28 février 2010

Une aventure incroyable à 0,35 centimes d'euros


S'« Il n'y a pas de hasard, il n'y a que des rendez-vous », comme l'a écrit Paul Eluard, alors j'ai un agenda de ministre. Imaginez que le jour où José Bové se déclare candidat aux présidentielles françaises, il vienne le soir-même vous en parler dans votre salon. C'est ce qui m'est arrivé en version burkinabé, ce qui défie donc l'imagination.
Presque chaque matin (et attention le « presque » a son importance), je me rends « Au bon Samaritain », le magasin d'alimentation du quartier où je loge, et qui a des écriteaux du genre « Que Dieu vous bénisse durant vos achats ». Là, il y a un « kiosque à journaux », une vieille étagère qui aligne la presse, entre le rayon des conserves et celui des crèmes de soin au beurre de karité. J'achète « Le Pays », quotidien à la qualité très inégale, mais dont les analyses en matière de politique africaine me paraissent pertinentes. Et là, pour 250 francs CFA (0,35 centimes), il va m'arriver une aventure incroyable.

jeudi 25 février 2010

Le taxi et l'âne à moteur


J'ai rapidement abandonné l'idée de rouler en mobylette dans Ouaga. Je circule pourtant en scooter à Paris, mais ici, on se demande pourquoi la ville a investi dans des feux que tout le monde brûle, et le Ouagalais à moteur perd instantanément la faculté de tourner la tête pour voir si quelque chose arrive de la gauche. En réalité, la seule utilité que j'ai trouvée aux feux de signalisation, c'est quand je me perds et qu'on me dit : au deuxième feu à gauche. Les femmes sont très élégantes et très droites sur leur « âne qui fait vroum », mais elles se tiennent tellement droites que le port de tête va avec, et tant pis pour le champ de vision.

mercredi 24 février 2010

Le pagne de la Première dame



« Que Dieu t'encourage dans tes activités. » J'ai entendu cette phrase des dizaines de fois depuis quatre ans que je me rends au Burkina Faso. Et à chaque fois, je réponds aux aimables personnes qui m'encouragent : « merci », en pensant très fort que si « Dieu » est aussi doué pour m'encourager que pour sortir le Faso de la pauvreté, j'aime autant qu'il ne se mêle pas de mes reportages.
Je préfère penser que l'âme de Norbert Zongo, mon confrère burkinabé « assassiné par un accident de voiture » il y a plus de dix ans, veille sur les activités des journalistes dans son pays.
Je m'intéresse pour l'instant à la ferveur pour la Journée internationale de la femme, le 8 mars. Je prépare un reportage sur cette fête qui dépasse Noël et Nouvel an réunis. J'ai en tête l'image de ces milliers de femmes au bord des routes, se rendant l'an dernier aux célébrations, habillées dans le même pagne (le fameux tissu africain souvent très coloré.)

lundi 22 février 2010

Bière "tapée" et femme fraîche


Méfiez-vous du Burkinabé qui propose d'aller boire « une » bière, surtout le week-end. Sous 42° à l'ombre, aller boire une Brakina bien tapée (marque de bière, « bien fraîche ») relève de l'instinct de survie. A Ouagadougou, le quartier de Paspanga, c'est un peu Yopougon à Abidjan (Côte d'Ivoire), pour ceux qui connaissent la fameuse BD « Aya de Yopougon. » Populaire, tranquille, authentique. Mon ami B. a fait du maquis appelé « L'ambassade » son quartier général. Pour contourner les impératifs légaux, ce bar n'a pas d'enseigne. Mais il est tenu par des Ivoiriennes, alors, les Burkinabés l'appellent « L'ambassade. »
Au départ, on est deux, à boire cette Brakina bien tapée qui n'existe qu'en bouteille d'un demi litre (l'instinct de survie prend d'autres dimensions en Afrique.) Puis, le garagiste du quartier arrive avec un gendarme du coin. Eux, ils attaquent l'après-midi à la Guiness « avec des glaçons, parce que la Guiness c'est lourd et fort, alors les glaçons, ça la dilue, ça garde la bière bien fraîche et tout le goût.»

dimanche 21 février 2010

Le supermarché, c'est la classe internationale


Le supermarché, c'est comme l'opéra : il faut y être vu. On vient pour se montrer, impressionner ses copains, en clair : le Carrefour du coin, c'est « the place to be. » De passage à Ouaga pour deux ou trois jours, le Nasara (« le Blanc ») préférera le marché, ses montagnes faussement bancales de légumes, et causer avec les femmes qui vendent la tomate et l'igname.
Mais la Blanche qui vient de s'installer pour un mois a décidé de faire rapide et efficace pour son nécessaire de survie, en allant dans le seul supermarché de la capitale, bien sûr tenu par des Libanais. Je m'y suis rendue le premier jour avec mon ami B., un gars stylé qui ne met jamais les pieds au supermarché mais qui a le look pour faire comme s'il y allait tous les jours.
Alors que j'étais entrain de m'extasier devant le rayon des vins (j'ignorais qu'il était si facile de trouver une bouteille de pinard à briser en cas d'urgence), B. tombe sur un de ses vieux amis perdu de vue depuis un an. Un beau gosse, lunettes sur la tête, jolie chemise à motif d'éléphants sur un pantalon de costume, et le port nonchalant du cabas (style : moi le supermarché, je pratique à fond, walaï !)